TINTILOU
Dans l’état actuel, le projet se heurte à un obstacle majeur puisque les fonds nécessaires à la construction de l’école ne sont pas encore réunis. Aussi tout l’objet de notre intervention consiste à diminuer les coûts tout en conservant voir en améliorant le confort des usagers pour trouver le plus rapidement l’argent nécessaire à sa réalisation.
L’un des meilleurs moyens pour y parvenir est de changer de mode de construction, d’abandonner le parpaing et le béton au profit des techniques traditionnelles et des matériaux présent sur place souvent plus adaptés à la situation locale.
« A en croire les observateurs, l’abandon de nombreux modes de construction traditionnels serait causé par le fait qu’ils requièrent une main-d’œuvre abondante tant pour leur construction que pour leur entretien. A ce titre, ils seraient ou plutôt sont dénoncés comme irrémédiablement dépassés. Les discours ayant autorité en matière de développement les tiennent pour incapables de concurrencer, en terme de coûts, la production industrielle présentée comme résultant d’un système rationnel. [...] Si l’on considère qu’au même moment, dans ces mêmes régions ou pays, les capitaux pour financer des produits de l’industrie mondiale de la construction font totalement défaut […] et qu’il y sévit un chômage endémique, on se trouve face à un tableau général proprement ahurissant – une sorte de monde à l’envers. […] sous l’effet de l’attrait fascinant qu’exerce une civilisation inaccessible déterminée par la marchandise, elle abandonne le mode de production traditionnel, avec les abris et les constructions qui leur sont liées – mais sans rencontrer pour autant la perspective d’un toit offrant une valeur d’usage de substitution.» Learning from vernacular, p19, Pierre Frey.
Comme l’explique Pierre Frey, il est important de remettre en avant toutes ces techniques vernaculaires parce qu’elles remettent en valeur l’efficacité des matériaux locaux, leur faible coût et parce qu’elle remet les savoir-faire et l’économie local au centre du processus de construction et stimule l’appropriation du bâti par cette force du travail directement impliquée dans la finalité sociale de l’édifice.
« La plus haute valeur ajoutée constituée par ce processus échappe aux critères de l’analyse économique, fût-elle « alternative ». […] Elle réside dans l’appropriation collective, matérielle, formelle et symbolique du bâti par ses constructeurs et par ses usagers (souvent confondus dans les mêmes personnes et nécessairement regroupés dans la même communauté), et dans la contrôle social dont ce bâti fait l’objet. » Learning from vernacular, p64, Pierre Frey.
L’usage de la terre pour la construction de cette école devient presque une évidence. L’emploi de ce matériau est tradionnellement répandu dans les zones tropicales, subtropicales et tempérées depuis des millénaires. Les exemples d’ouvrages ne manquent pas et certaines tiennent encore debout après plusieurs siècles quand d’autres culminent à plusieurs dizaines de mètres. On pourra citer, parmi les plus prestigieuses, la ville historique de Shibam au Yemen construite toute en adobes (briques de terre moulée et non compressée) ou encore les constructions traditionnelles Dogon au Mali, les maisons en dôme d’Afghanistan.
La terre est généralement choisie d’abord pour sa disponibilité, c’est un matériaux local, souvent facilement exploitable sans trop d’additifs et pour un coût réduit. Cependant, elle souffre aujourd’hui de son image de matériau traditionnel et démodé, incompatible avec la notion de progrès qui s’incarnerait à travers l’usage du béton et de l’acier. Certes la construction en terre à des désavantages :
+ La terre n’est pas un matériau de construction standardisé. Chaque site possède ses propres caractéristiques et les capacités techniques peuvent varier en fonction.
+ C’est un matériau qui peut facilement fissurer lorsqu’il se trouve dans un environnement très sec.
+ C’est un matériau sensible à l’eau et au gel.
Ces inconvénients peuvent être facilement corrigés en équilibrant les proportions des différents constituants tout d’abord, en protéger les murs avec des enduits à base de terre (par exemple en utilisant les déblais des fondations), en créant de larges débords de toits pour empêcher la pluie de les éroder. Alors les avantages deviennent multiples:
+ Si la terre n’est pas cuite, elle peut être réutilisée de nombreuses fois et ce pendant une longue période.
+ La terre aide à contrôler l’humidité ambiante. Elle est capable d’absorber et de restituer une grande quantité d’eau présente dans l’air sans perdre sa cohésion ni sa rigidité, jusqu’à trente fois plus qu’une brique cuite.
+ Comme tout les matériaux dense, elle peut jouer le rôle de régulateur thermique en absorbant la chaleur et les différences thermiques entre le jour et la nuit. Sa capacité isolante peut être accrue par l’addition de paille et de toute autre fibre végétale qui va emprisonner de petites quantités d’air dans les murs.
+ C’est un matériaux idéal pour l’autoconstruction et sa mise en œuvre ne nécessite pas de savoir faire complexe particulier.
+ Enfin souvent présent localement, il limite les coûts de transports et la pollution liée à ceux-ci.