L'ELOGE DU VIS-A-VIS
L’architecture contemporaine fait la part belle à la lumière. Depuis l’hygiénisme et la nécessité de combattre la tuberculose et l’insalubrité, les architectes s’emploient à apporter un maximum de lumière aux projets qu’ils imaginent. H.Sauvage par exemple a particulièrement œuvré dans cet esprit avec son concept d’immeuble à gradins.
Encore aujourd’hui, les textes réglementaires qui donnent un cadre dimensionnel à la ville, à ses vides et ses constructions, héritent de ce système de pensée. Beaucoup de ces articles en parlent de manière sous-jacente. Certains mots sont d’ailleurs récurrents : éclairement, baie, distance, vue... C'est notamment le cas pour tout ceux qui traitent indirectement du vis-à-vis, qu'ils aient comme sujet le gabarit des immeubles, leurs hauteurs, leurs implantations, leurs relations...
"Les populations du monde entier affluent dans les villes tandis que les constructeurs et spéculateurs entassent les habitants dans de gigantesques boîtes verticales qui sont à la fois des bureaux et des habitations. Si l'on considère l'individu humain à la manière des anciens marchands d'esclaves, et si l'on mesure leur besoin d'espace en termes de limites corporelles - on néglige les conséquences que peut entraîner la surpopulation. Mais si l'on envisage l'homme comme entouré d'une série de "bulles" invisibles dont les dimensions sont mesurables, l'architecture apparaît alors sous un angle radicalement différent. On peut alors concevoir que des individus soient brimés par les espaces où ils sont contraints de vivre et de travailler." The hidden dimension, p159-160, Edward T.Hall, 1966.
On parle aujourd'hui de plus en plus de densité, de développement durable, de vivre-ensemble. Dans cette esprit, le vis-à-vis qui est une de leur composante commune, pourrait se définir par plus de critères que juste par la lumière: une qualité des interfaces, d’orientation, la facilité des interactions, la gestion du champ de vision... On pourrait dès lors envisager des espaces suffisamment étroits pour qu’ils facilitent les interactions entre voisins, favorisent l’intimité, offrent de nouveaux espaces, gratuit et exploitables.
Seulement ces espaces contractés sont justement ceux qui nous font peur parce que nous envisageons toujours la proximité comme une promiscuité. Aussi celle-ci est habituellement envisagée dans le projet architectural comme une contrainte. Alors que se passerait-il si on renversait cette idée et que l’on s’autorisait à travailler dans ces petites distances aujourd’hui taboues et interdites? A quoi ressemblerait une ville qui n’aurait plus peur du vis-à-vis ??
Paris est la ville idéale du vis-à-vis parce qu'elle est déjà très dense; la proximité et les espaces résiduels sont amenés à se développer. Et dans ce futur pas si lointain où l'espace est un luxe, où l'étalement urbain se ralentis pour que la ville se renouvelle sur elle-même, où les transports en commun on pris le pas sur la voiture, certaines rues perdent peu à peu de leur utilité. Dans ce Paris toujours plus dense, elles deviennent les espaces providentiels d’une densité par l’épaississement et de l’expérimentation d’un vis-à-vis proche. Le meilleur moyen de se battre contre l’habitude, contre le lieu commun, c’est de faire un essai. Parler de ce Paris inconnu, c’est donc d’abord en imaginer la genèse. Ce projet qui à un moment a vu le jour et qui a fait que.
Deux règles sont essentielles à cet essai :
- Le cadre dimensionnel. Les espaces contractés sont pensés pour des distances comprises entre 1.50m et 4.00m.
- L’alternance des espaces. A tout espace contracté (critère d’interaction, d’intimité) doit au moins répondre un espace dilaté (critère lumineux).
Les avantages de ces espaces contractés sont multiples, en faveur du logement tout d’abord : possibilité d’interactions avec le voisinage, agrandissement des ouvertures sans perte d’intimité, extension du domicile par le vide, nouvelle manière d’envisager les façades et les interfaces, variation des ambiances lumineuses, double orientation systématique des logements...
Dans ce Paris du vis-à-vis, investir des rues n’est pas synonyme d’une perte d’espace public. Les espaces contractés définissent deux géométries de circulations : la première, pour les piétons, dense et ramifiée, rythmée par les avancées des bâtiments, est propice à la rencontre et au déplacement lent; à l’inverse, la deuxième dédiée aux transports, reprend les grands axes rectilignes de la ville, c’est le lieu de l’efficacité et de la vitesse, des déplacements rapides.